Apostrophe droite ou apostrophe courbe ?

Vous l’avez forcément vu, mais l’avez-vous remarqué ? D’un site Web à l’autre, les apostrophes s’écrivent « ’ » ou « ' ». Ces deux signes se livrent une compétition féroce et on y prête rarement attention parce que, bon, quelle différence ça peut bien faire ? Pour la compréhension, absolument aucune. N’empêche, la typographie obéit à des règles strictes. Et pour être honnête, l’apostrophe courbe est quand même plus élégante !

Pourquoi existe-t-il deux apostrophes ?

À cause d’un objet aujourd’hui disparu : la machine à écrire. Traditionnellement, les imprimeurs emploient depuis longtemps l’apostrophe courbe, autrement appelée « typographique ». Mais lorsque la machine à écrire s’est répandue au XIXe siècle, ses concepteurs ont été confrontés à un problème : le nombre de touches était limité. Pour gagner de la place, un seul signe a été adopté pour l’apostrophe, les guillemets et le signe prime : l’apostrophe droite, ou « dactylographique ».

Pour ses détracteurs, l’apostrophe typographique n’est qu’une « chiure de mouche ». On l’appelle aussi communément « apostrophe anglaise », mais c’est trompeur. Il suffit en effet de se rendre sur un site de presse anglophone, comme le britannique Guardian ou l’américain Wired, pour se rendre compte que les anglophones, eux aussi, emploient l’apostrophe courbe.

Quand les claviers d’ordinateurs se sont imposés, les « chiures de mouche » ont été maintenues, notamment parce que le codage informatique s’en sert allègrement – essayez voir d’écrire un code HTML avec des apostrophes typographiques ! Et c’est ainsi que peu à peu, à l’instar du Parti socialiste, l’apostrophe s’est insidieusement « droitisée ».

Est-il correct d’employer l’apostrophe droite ?

En un mot : non, mais vous n’avez pas toujours le choix. Lorsque vous écrivez sur un réseau social, une messagerie, un forum de discussion ou votre boite mail, il faut composer avec les « chiures de mouche ». Personne ne vous en voudra pour ça : pour faire autrement, il faudrait d’abord écrire votre texte sur Word, puis le copier dans votre navigateur ou votre messagerie. C’est bien trop compliqué et personne ne fait ça.

Par contre, si vous rédigez un article de blog ou de presse, un devoir universitaire ou un livre, il est indispensable d’employer l’apostrophe typographique. Pour preuve, parcourez le site d’un grand quotidien ou feuilletez votre roman préféré : vous n’y trouverez pas l’ombre d’une apostrophe droite !

On me demande parfois : « Mais enfin, qu’est-ce que ça peut bien faire ? » C’est comme l’orthographe : on vous comprendra si vous écrivez « ortografe », mais vos lecteurs en garderont une impression d’amateurisme, ce qui n’est pas souhaitable dans une production professionnelle. C’est pour ça que même dans un document d’entreprise, un CV ou une lettre de motivation, il est plus sage d’employer l’apostrophe courbe. Peu de gens y prêteront attention, mais pour ceux qui le feront, ce sera un point de crédibilité en plus !

Et gare aux incohérences ! Il n’est pas rare de trouver, sur la toile ou dans un document académique, des textes mélangeant allègrement les deux apostrophes ! Ça, c’est vraiment le pire, et ça arrive surtout si vous copiez-collez des éléments à partir d’une autre source, par exemple vos prises de notes ou une citation récupérée en ligne. Il convient d’être vigilant sur ce point !

Comment faire si mon logiciel de traitement de texte n’applique pas l’apostrophe courbe ?

Si vous utilisez Word, la « chiure de mouche » devrait être automatiquement remplacée par une apostrophe typographique. Mais attention : ça ne marche pas en cas de copier-coller ! Si vous avez un doute, le plus simple est de cliquer sur « remplacer » une fois votre texte terminé, puis de substituer une apostrophe courbe à toutes les apostrophes droites. Ça prend deux secondes et ça vous permet de tout « nettoyer » d’un coup !

Si vous employez OpenOffice, c’est un peu plus compliqué. Vous pouvez faire « Format -> AutoCorrection -> Options » et indiquer au logiciel de remplacer automatiquement un signe par l’autre, en activant en outre l’option « pendant la frappe ». Malheureusement, cette option ne fonctionne pas toujours. En ce cas, une seule solution : à la fin de votre rédaction, faire « Ctrl. + F » et copier une apostrophe courbe dans la case du caractère à remplacer. C’est un peu galère, mais ça reste l’affaire de quelques clics.

Notez qu’il existe aussi des options pour automatiser les guillemets typographiques dans la plupart des autres programmes de traitement de texte, de même que dans les logiciels de mise en page comme InDesign. Une recherche Google vous aidera à trouver facilement la manœuvre sur le programme que vous utilisez.

Peut-être qu’un jour, les conventions évolueront et que nos claviers Azerty seront enfin dotés d’une apostrophe courbe. Ce serait idéal, ne serait-ce que parce que ça permettrait d’en finir avec les « chiures de mouches » sur Internet. En attendant, employer la bonne apostrophe requiert un minimum d’efforts, mais vos lecteurs vous en sauront gré !

Et en cas de doute, n’hésitez pas à faire appel aux services d’un correcteur-relecteur !

Illustration : Stillness in Motion via Unsplash.